jeudi 25 septembre 2014

Étudier dans les arts, la meilleure idée que tu aies eue de toute ta vie

Pas besoin de me convaincre que j’ai fait le bon choix avec un bacc en arts. J’en suis déjà plus que convaincu que c’était un bon choix. LE bon choix. Tout comme ce fut la bonne route à suivre pour mes collègues, par ailleurs, qui s’épanouissent aux études mais aussi dans les milieux professionnels où ces études les ont menés.

Cette assurance et cette satisfaction que plusieurs éprouvent à l’égard des disciplines fondamentales ne se reflètent pourtant pas à leur juste valeur dans la société acadienne, canadienne, voire occidentale. Plusieurs idées reçues entourent en effet la réputation des arts en tant que domaine d’étude et comme choix de carrière légitimes.

On peut résumer ces opinions dans la phrase suivante, que j’entends de la bouche d’un oncle ou d’une tante à chaque party de Noël : « Pis Rémi, les études? Ah, histoire hein! Maîtrise à part ça! … So, qu’est-ce tu vas faire avec ça, exactement? »

Aussi tanné que je suis de l’entendre, LA question (qui tue) n’en perd pas moins son sens et sa pertinence. Qu’est-ce que je vais faire avec ça? Et c’est quoi, « ça »? C’est tu mon diplôme, mes connaissances, mes compétences? Plus largement : pourquoi étudier en arts et qu’est-ce que ça donne – ou, pour être plus juste : qu’est-ce que ça peut me donner?

Je ne ferai pas l’état de chaque discipline (quoiqu’ici, vous ayez déjà quelques pistes spécifiques). Plutôt, je donnerai une perspective globale des bénéfices que vous garantissent une formation en arts et sciences sociales.

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1.       Compétences transversales

Les étudiant.e.s en éducation sauront de quoi je parle : les fameux RAT, ou résultats d’apprentissage transversaux. Ces mots fancy désignent en fait les compétences qui ne sont pas propres à un domaine en particulier. Elles sont donc transversales, transférables, applicables à un ensemble de situations professionnelles et de la vie de tous les jours. De façon générale, une formation en arts et sciences sociales favorise le développement des aptitudes en recherche, en lecture et en écriture, l’esprit de synthèse et d’analyse et la résolution de problèmes. Or, nous vivons dans un monde marqué par les technologies des communications, une société qui nous bombarde à gauche et à droite de toutes sortes d’informations parfois contradictoires. En faire du sens demande de plus en plus d'habiletés. D'autre part, la désindustrialisation des industries américaines et l’essor des secteurs tertiaires – l’économie des services, des relations humaines, des communications – placent les gradués des arts dans une position favorable à leur intégration professionnelle. Mieux que quiconque, nous sommes les mieux préparés pour faire face à la société et à l’économie de demain.

2.       Pensée critique

En phase avec l’acquisition de compétences transversales, le développement de la pensée critique sert dans tous les domaines de réflexion, de décision et d’action de la vie en société. Elle ouvre l’esprit de la personne, du travailleur et du citoyen. Elle permet de prendre du recul sur un phénomène ou une situation, de se former sa propre opinion nuancée et de la sous-tendre dans une perspective réfléchie. Au sens large, plusieurs programmes d’étude développent la pensée critique en mettant l’accent sur la démarche scientifique rigoureuse. Mais, en arts et sciences sociales, nous devenons les penseurs – et parfois les docteurs, parfois les chiens de garde – de la société et de la culture. Nous sommes aux aguets devant les questions politiques, sociales et économiques qui sont le fondement du système démocratique. La pensée critique forme non seulement des bons travailleurs, mais elle développe aussi – et surtout – le plein potentiel des personnes et des citoyens autonomes. Qui plus est, la pensée critique est de plus en plus recherchée dans divers secteurs de la vie sociale et professionnelle.

3.       Pensée novatrice

On entend souvent que les arts sont les domaines d’étude par excellence pour apprendre à penser outside the box. Et c’est vrai. Aux arts, nous sommes amenés – en tant qu’étudiants, citoyens, futurs employés, employeurs – à contribuer à la société dans une perspective marquée par l’originalité. L’enseignement met l’accent sur l’unicité de la réflexion et de la production artistico-sociale. Contrairement à d’autres formations, disons, plus arithmétiques (1 + 1 = 2 ; fait ceci comme cela pour arriver à ça), la pensée novatrice est synonyme de liberté et d’innovation. Elle sert non seulement à se distinguer dans des marchés hautement compétitifs et en constante évolution, elle assure aussi une adaptation réussie aux nouvelles réalités à venir. De plus en plus, la créativité est à l’ordre du jour, et les arts et sciences sociales répondent certainement à la demande.

4.       La carrière plutôt que la job

J’en ai parlé souvent : la société et les emplois évoluent rapidement. L’économie aussi est – soyons honnêtes – plutôt instable ces dernières années, et les choses risquent de ne pas changer de sitôt. Dans ces circonstances, le job hopping prend de plus en plus d’ampleur. Contrairement à ce qui semblait être le cas pour des cohortes précédentes, les gens des générations actuelles et futures risquent de changer de travail plusieurs fois durant leur vie. On parlera de moins en moins d’une vie axée sur une job mais plutôt sur une carrière constituée de multiples activités professionnelles. Les compétences transversales du monde des arts prennent alors une importance particulière. C'est donc tant mieux pour nous, dans un certain sens, car les arts et les sciences sociales mènent souvent vers une carrière multiforme caractérisée par un futur large et ouvert. Certains parleront d'un « flou » d'horizons professionnels; soit, la trajectoire n'est pas aussi directe qu'avec des formations traditionnelles telles  éducation-enseignement, ou DSS-médecine. D'un autre côté, en prenant en compte la dynamique changeante et volatile des débouchées professionnelles contemporaines, les atouts des arts constituent une forme de liberté et d'ouverture dont il ne faudrait pas trop rapidement négliger la pertinence.

C’est peut-être pour ça, au fond, qu’on a de la difficulté à répondre à LA question : les gens n’ont pas encore pris pleinement conscience de cette nouvelle dynamique à laquelle la formation en arts permet de faire face.

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« Qu’est-ce que tu vas faire avec ton bacc en arts? » Même après réflexion et démonstrations de quelques arguments, ce n’est pas facile d’y répondre. Mais comment pourrait-il en être autrement? Le propre de l’économie et des secteurs professionnels, c’est l’instabilité. Nous devons être prêts à nous insérer dans un monde qui s'adapte à des nouvelles réalités à un rythme essoufflant. Les possibilités d’emplois changent avec les saisons. Les études qui mènent à une job précise et assurée deviennent progressivement une chose du passé.

Or, nous venons de voir comment les arts et les sciences sociales, par le développement de compétences transversales, de la pensée critique et de l’esprit d’innovation, répondent à ce nouveau cycle de vie dans lequel l’idée de carrière demande des qualités d’adaptation, d'ouverture et de flexibilité. Il est donc plus important que jamais de développer ces aptitudes multiples et essentielles – résolution de problème, pensée autonome, esprit créateur, compétences en recherche, en analyse, en synthèse, en communication écrite et orale.

Une note en terminant : rien n’empêche l’étudiant.e en arts de se donner des buts professionnels concrets; en fait, il est fortement recommandé de garder cette pensée à l’esprit, car la fixation d’objectifs donne du sens et de la motivation au cheminement personnel et académique. Par contre, il n’est pas rare – et il est absolument normal – qu’un.e étudiant.e de la Faculté des Arts et des Sciences sociales – ou un.e élève en voit de s’y inscrire – ne puisse pas répondre concrètement, avec assurance, à LA question. En effet, c’est plus souvent qu’autrement pendant son parcours académique, puis au fil de ses interractions sociales et professionnelles, qu'il ou elle en viendra à cibler des objectifs précis à moyen et long terme. Et c’est peut-être mieux ainsi : à 18, 19 ou 20 ans, qui peut réellement prétendre connaître toutes les possibilités de carrière découlant de telle ou telle formation?

L’important en fin de compte se résume dans une phrase clichée, certes, mais peut-être plus pertinente que jamais auparavant : fais ce que tu aimes. Étudie ce qui te passionne. Accomplis-toi en tant que personne avant de penser à la carrière, car de faire l'inverse risquerait de tourner au vinaigre (ou à la dépression). Et tant mieux si tes intérêts, tes valeurs et tes aspirations te mènent à une discipline des arts ou des sciences sociales, parce que le chemin qui t’attend promet d’être tout sauf banal.


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Rémi Frenette

Vp externe
AÉACUM

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