Pas besoin de me
convaincre que j’ai fait le bon choix avec un bacc en arts. J’en suis déjà plus
que convaincu que c’était un bon choix. LE bon choix. Tout comme ce fut la
bonne route à suivre pour mes collègues, par ailleurs, qui s’épanouissent aux
études mais aussi dans les milieux professionnels où ces études les ont menés.
Cette assurance
et cette satisfaction que plusieurs éprouvent à l’égard des disciplines fondamentales ne se reflètent pourtant pas à leur juste valeur dans la société
acadienne, canadienne, voire occidentale. Plusieurs idées reçues entourent en
effet la réputation des arts en tant que domaine d’étude et comme choix de
carrière légitimes.
On peut résumer
ces opinions dans la phrase suivante, que j’entends de la bouche d’un oncle ou
d’une tante à chaque party de Noël : « Pis Rémi, les études? Ah, histoire
hein! Maîtrise à part ça! … So, qu’est-ce
tu vas faire avec ça, exactement? »
Aussi tanné que
je suis de l’entendre, LA question (qui tue) n’en perd pas moins son sens et sa
pertinence. Qu’est-ce que je vais faire avec ça? Et
c’est quoi, « ça »? C’est tu mon diplôme, mes connaissances, mes compétences?
Plus largement : pourquoi étudier en arts et qu’est-ce que ça donne – ou, pour
être plus juste : qu’est-ce que ça peut
me donner?
Je ne ferai pas
l’état de chaque discipline (quoiqu’ici, vous ayez déjà
quelques pistes spécifiques). Plutôt, je donnerai une perspective globale des
bénéfices que vous garantissent une formation en arts et sciences sociales.
*****
1.
Compétences
transversales
Les étudiant.e.s en éducation sauront de quoi je
parle : les fameux RAT, ou résultats d’apprentissage transversaux. Ces
mots fancy désignent en fait les
compétences qui ne sont pas propres à un domaine en particulier. Elles sont
donc transversales, transférables, applicables à un ensemble de situations
professionnelles et de la vie de tous les jours. De façon générale, une
formation en arts et sciences sociales favorise le développement des aptitudes
en recherche, en lecture et en écriture, l’esprit de synthèse et d’analyse et
la résolution de problèmes. Or, nous vivons dans un monde marqué par les
technologies des communications, une société qui nous bombarde à gauche et à
droite de toutes sortes d’informations parfois contradictoires. En faire du sens demande de plus en plus d'habiletés. D'autre part,
la désindustrialisation des industries américaines et l’essor des secteurs tertiaires
– l’économie des services, des relations humaines, des communications – placent
les gradués des arts dans une position favorable à leur intégration
professionnelle. Mieux que quiconque, nous sommes les mieux préparés pour faire face à la société et à l’économie de demain.
2.
Pensée
critique
En phase avec l’acquisition
de compétences transversales, le développement de la pensée critique sert dans
tous les domaines de réflexion, de décision et d’action de la vie en société. Elle
ouvre l’esprit de la personne, du travailleur et du citoyen. Elle permet de
prendre du recul sur un phénomène ou une situation, de se former sa propre
opinion nuancée et de la sous-tendre dans une perspective réfléchie. Au sens
large, plusieurs programmes d’étude développent la pensée critique en mettant l’accent
sur la démarche scientifique rigoureuse. Mais, en arts et sciences sociales,
nous devenons les penseurs – et parfois les docteurs, parfois les chiens de
garde – de la société et de la culture. Nous sommes aux aguets devant les questions
politiques, sociales et économiques qui sont le fondement du système
démocratique. La pensée critique forme non seulement des bons travailleurs, mais elle développe aussi – et surtout – le
plein potentiel des personnes et des citoyens autonomes. Qui plus est, la
pensée critique est de plus en plus recherchée dans divers secteurs de la vie sociale et
professionnelle.
3.
Pensée
novatrice
On entend souvent
que les arts sont les domaines d’étude par excellence pour apprendre à penser outside the box. Et c’est vrai. Aux
arts, nous sommes amenés – en tant qu’étudiants, citoyens, futurs employés,
employeurs – à contribuer à la société dans une perspective marquée par l’originalité.
L’enseignement met l’accent sur l’unicité de la réflexion et de la production
artistico-sociale. Contrairement à d’autres formations, disons, plus
arithmétiques (1 + 1 = 2 ; fait ceci
comme cela pour arriver à ça), la pensée novatrice est synonyme de
liberté et d’innovation. Elle sert non seulement à se distinguer dans des
marchés hautement compétitifs et en constante évolution, elle assure aussi une
adaptation réussie aux nouvelles réalités à venir. De plus en plus, la
créativité est à l’ordre du jour, et les arts et sciences sociales répondent certainement à la demande.
4.
La carrière plutôt que la job
J’en ai parlé
souvent : la société et les emplois évoluent rapidement. L’économie aussi est
– soyons honnêtes – plutôt instable ces dernières années, et les choses risquent
de ne pas changer de sitôt. Dans ces circonstances, le job hopping prend de plus en plus d’ampleur. Contrairement à ce qui semblait être le cas pour
des cohortes précédentes, les gens des générations actuelles et futures
risquent de changer de travail plusieurs fois durant leur vie. On
parlera de moins en moins d’une vie axée sur une job mais plutôt sur une
carrière constituée de multiples activités professionnelles. Les
compétences transversales du monde des arts prennent alors une importance particulière.
C'est donc tant mieux pour nous, dans un certain sens, car les arts et les sciences sociales mènent souvent vers une carrière multiforme caractérisée par un futur large et ouvert. Certains parleront d'un « flou » d'horizons professionnels; soit, la trajectoire n'est pas aussi directe qu'avec des formations traditionnelles telles éducation-enseignement, ou DSS-médecine. D'un autre côté, en prenant en compte la dynamique changeante et volatile des débouchées professionnelles contemporaines, les atouts des arts constituent une forme de liberté et d'ouverture dont il ne faudrait pas trop rapidement négliger la pertinence.
C’est peut-être pour ça, au fond, qu’on a de la difficulté à répondre à LA question : les gens n’ont pas encore pris pleinement conscience de cette nouvelle dynamique à laquelle la formation en arts permet de faire face.
C’est peut-être pour ça, au fond, qu’on a de la difficulté à répondre à LA question : les gens n’ont pas encore pris pleinement conscience de cette nouvelle dynamique à laquelle la formation en arts permet de faire face.
*****
« Qu’est-ce que tu vas faire avec ton bacc en arts? » Même
après réflexion et démonstrations de quelques arguments, ce n’est pas
facile d’y répondre. Mais comment pourrait-il en être autrement? Le propre de l’économie et des secteurs professionnels, c’est l’instabilité. Nous devons être prêts à nous insérer dans un monde qui
s'adapte à des nouvelles réalités à un rythme essoufflant. Les
possibilités d’emplois changent avec les saisons. Les études qui mènent
à une job précise et assurée deviennent progressivement une chose du passé.
Or, nous venons
de voir comment les arts et les sciences sociales, par le développement de
compétences transversales, de la pensée critique et de l’esprit d’innovation,
répondent à ce nouveau cycle de vie dans lequel l’idée de carrière demande des qualités d’adaptation, d'ouverture et de flexibilité. Il est donc plus
important que jamais de
développer ces aptitudes multiples et essentielles – résolution de problème,
pensée autonome, esprit créateur, compétences en recherche, en analyse, en synthèse,
en communication écrite et orale.
Une note en terminant :
rien n’empêche l’étudiant.e en arts de se donner des buts professionnels concrets;
en fait, il est fortement recommandé de garder cette pensée à l’esprit, car la
fixation d’objectifs donne du sens et de la motivation au cheminement personnel et
académique. Par contre, il n’est pas rare – et il est absolument normal – qu’un.e
étudiant.e de la Faculté des Arts et des Sciences sociales – ou un.e élève en voit de s’y inscrire – ne
puisse pas répondre concrètement, avec assurance, à LA question. En
effet, c’est plus souvent qu’autrement pendant son parcours académique, puis au fil de ses interractions sociales et professionnelles, qu'il ou elle en viendra à cibler des objectifs précis à moyen et long terme. Et c’est
peut-être mieux ainsi : à 18, 19 ou 20 ans, qui peut réellement prétendre connaître
toutes les possibilités de carrière découlant de telle ou telle formation?
L’important en
fin de compte se résume dans une phrase clichée, certes, mais peut-être plus
pertinente que jamais auparavant : fais ce que tu aimes. Étudie ce
qui te passionne. Accomplis-toi en tant que personne avant de penser à la carrière, car de faire l'inverse risquerait de tourner au vinaigre (ou à la dépression). Et tant mieux si tes intérêts, tes valeurs et tes aspirations te mènent à une discipline des arts ou
des sciences sociales, parce que le chemin qui t’attend promet d’être tout sauf banal.
*****
Rémi Frenette
Vp externe
AÉACUM
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire